Les problèmes de thyroïde avant, pendant et après la grossesse
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- Date: 08-08-2020
Hyperthyroïdie, hypothyroïdie, maladie de Basedow ou de Hashimoto… Toutes ces pathologies thyroïdiennes, qu’elles soient auto-immunes ou non, peuvent avoir un impact sur notre capacité à concevoir un enfant et une incidence sur la grossesse. Explications.
Quel rôle joue la thyroïde ?
Située à la base du cou, devant le larynx et la trachée, la thyroïde est une des plus grandes glandes endocrines du corps humain avec ses quelque 6 cm de haut et de large. Son rôle : en sécrétant les deux hormones thyroïdiennes, la thyroxine (T4) et la triiodothyronine (T3), elle intervient dans le métabolisme du corps, mais aussi la croissance et le développement cérébral. La sécrétion de ces 2 hormones clés se fait sous l’influence de la TSH (ou Thydroïd Stimulating Hormone), hormone d’origine hypophysaire.
Les pathologies de la thyroïde sont les maladies endocrines les plus communes chez la femme en âge de procréer. Elles peuvent schématiquement être classées en 2 grands groupes pouvant avoir une incidence sur la santé reproductive féminine que cela soit en période pré-conceptionnelle, gestationnelle ou du post-partum :
- L’hyperthyroïdie est un dérèglement de la thyroïde provoquant une production en excès des hormones T3 et T4 et une sécrétion inférieure à la normale de TSH. Ses symptômes les plus fréquents : des palpitations, une thermophobie (bouffées de chaleur accompagnées de sueurs, de rougeurs, etc.), parfois une exophtalmie (les yeux semblent sortir de leur orbite), l’apparition d’un goitre, une perte de poids malgré un appétit et une prise alimentaire augmentés, une nervosité.
- l’hypothyroïdie est quant à elle un dérèglement à l’origine d’une sécrétion insuffisante d’hormones thyroïdiennes qui s’accompagne d’un taux de TSH parfois supérieur à la normale. Les signes qui peuvent être synonymes d’une hypothyroïdie : des crampes musculaires, une constipation, un asthénie, une rétention hydrique, une prise de poids excessive ou encore une sécheresse cutanée.
Thyroïde et infertilité
Les pathologies de la thyroïde peuvent être liés à l’infertilité, à commencer par l’hyperthyroïdie qui toucherait 2,3 % des femmes ayant des difficultés à concevoir (contre 1,5 % de la population générale féminine). En cause : les femmes atteintes d’hyperthyroïdie seraient plus sensibles à la GnRh (l’hormone de libération de la gonadotrophine hypophysaire). En découle une sécrétion plus importante d’hormone lutéinisante (LH), elle-même responsable d’une hausse du taux d’œstrogènes. Peuvent alors apparaître des troubles des cycles menstruels et parfois une polyménorrhée (augmentation de la fréquence des règles) rendant la survenue d’une grossesse naturelle plus complexe, même si la plupart des femmes atteintes d’hyperthyroïdie conserve une ovulation. Le traitement de l’hyperthyroïdie peut alors améliorer les chances de grossesse.
L’hypothyroïdie peut elle aussi favoriser une infertilité féminine. Principale responsable des difficultés à concevoir : le taux de TSH anormalement élevé qui peut être à l’origine d’une oligoménorrhée (baisse de l’intensité et de la fréquence des règles), voire d’une aménorrhée et d’une anovulation. De plus, ce même taux amoindrirait les chances de réussite de grossesse dans le cadre d’un protocole procréation médicalement assistée. Pour ces raisons, l’American Thyroid Association a préconisé le maintien du taux de TSH en-dessous de 2.5 mU/l chez la femme en âge de procréer et ayant un désir d’enfant.
Comme pour l’hyperthyroïdie, le traitement de première intention pour favoriser les chances de tomber enceinte en cas d’hypothyroïdie reste celui de la dite pathologie.
La thyroïde pendant la grossesse
Qu’elles soient préexistantes ou apparaissent pendant la grossesse, les pathologies thyroïdiennes sont suivies avec attention. Maladies endocrines les plus fréquentes après le diabète gestationnel, elles peuvent en effet avoir des conséquences non négligeables sur la santé de la mère comme de l’enfant à naître.
L’hyperthyroïdie
Il existe, chez la femme enceinte, 3 types d’hyperthyroïdie très différentes :
- L’hyperthyroïdie gestationnelle transitoire (HGT) concernerait jusqu’à 15 % des femmes enceintes dans leur premier trimestre de grossesse. Passager, comme son nom l’indique, ce trouble est dû à l’augmentation progressive du taux de βHCG dans l’organisme qui stimule la thyroïde (augmentation du taux de T4) et fait chuter le taux de TSH. La HGT est particulièrement remarquable chez les femmes enceintes de jumeaux ou atteintes de vomissements gravidiques. Bénigne, cette hyperthyroïdie disparaît généralement par elle-même au début du 2ème trimestre de grossesse et ne demande aucune prise en charge particulière, sauf en cas de vomissements sévères où un traitement exceptionnel et temporaire à base d’anti-thyroïdiens de synthèse peut être prescrit.
- La maladie de Basedow est à l’origine de la très grande majorité des autres hyperthyroïdies. Celle-ci peut favoriser l’apparition de certaines complications pour la mère et l’enfant, notamment en cas d’anticorps anti-récepteurs à la TSH maternels, comme :
– une prématurité,
– un retard de croissance in utero,
– une hyperthyroïdie fœtale, les anticorps anti-récepteurs à la TSH passant la barrière placentaire,
– un hématome rétroplacentaire,
– une pré-éclampsie, etc.
Aux vus de ces risques, une prise en charge pendant la grossesse est donc indispensable. Les traitements les plus poussés à base d’iode radioactive n’étant pas recommandés en période de gestation, une médication à base d’anti-thyroïdiens de synthèse, de bétabloquants ainsi que des mesures prophylactiques (arrêt de travail, repos, etc.) sont donc généralement conseillées. Ce traitement doit toutefois faire l’objet d’une attention toute particulière de la part du praticien, car il peut induire, chez l’enfant à naître, une hypothyroïdie iatrogène (due au traitement de la mère). En cas de contre-indications ou d’inefficacité du traitement, une chirurgie de la thyroïde (thyroïdectomie totale) peut être exceptionnellement recommandée, uniquement au deuxième trimestre de grossesse.
- Les autres hyperthyroïdies sont extrêmement rares. Elles peuvent être dues à des pathologies très variées (mutation du récepteur de la TSH, grossesse molaire, adénome toxique, thyroïdite subaiguë, etc.) qui doivent faire l’objet d’un diagnostic et d’une prise en charge particuliers.
L’hypothyroïdie
Entre 4 et 8 % des femmes enceintes seraient atteintes d’hypothyroïdie. La maladie a alors essentiellement deux origines : la thyroïdite de Hashimoto et une carence en iode (dans les zones d’endémie). Parfois difficile à dépister en début de grossesse en raison de la baisse physiologique du taux d’hormones périphériques (T4), l’hypothyroïdie est elle aussi surveillée de près pendant la grossesse si des facteurs de risques ou des antécédents médicaux existent. La principale complication encourue (même si elle est mal évaluée aujourd’hui) : un développement neurologique fœtal freiné, voire donc un retard mental chez l’enfant, et une hypotrophie fœtale (un petit bébé). Beaucoup plus rarement, l’hypothyroïdie est associée à un risque d’hématome rétroplacentaire, une prééclampsie ou encore une souffrance fœtale. Par ailleurs, d’autres risques obstétricaux (fausses couches à répétition, accouchement prématuré, thyroïdite du post-partum) seraient encourus chez les femmes souffrant d’hypothyroïdie et ayant développé des anticorps anti-thyroïdiens (cas des maladies auto-immunes).
Cette affection de la thyroïde peut toutefois être aisément prise en charge pendant la grossesse grâce à un traitement à base de L-thyroxine.
Thyroïde et post-partum
S’ils restent eux aussi rares, des troubles de la thyroïde peuvent apparaître dans les semaines suivant la naissance, tout particulièrement chez les femmes ayant des antécédents de ce type de pathologies endocriniennes. Il s’agit alors surtout :
- d’une exacerbation post-natale de certaines maladies auto-immunes. En effet, durant la grossesse la réponse immunitaire de la mère est naturellement plus faible pour permettre au corps d’accueillir le futur enfant. Résultat : certaines maladies auto-immunes se « mettent en veille » pendant quelques mois, avant de faire leur retour en force.
- du syndrome de thyroïdite du post-partum : si ses causes sont encore méconnues, ce syndrome transitoire et indolore se caractérise par une première phase d’hyperthyroïdie d’un à 2 mois, survenant dans les 3 mois suivant l’accouchement, puis d’une phase d’hypothyroïdie, environ 6 mois après la naissance. Parfois associé à la dépression post-partum, ce syndrome est transitoire, la fonction thyroïdienne normale reprenant généralement au bout d’un an. Il peut toutefois laisser présager une hypothyroïdie ultérieure (en cas d’auto-anticorps) qui doit donc faire l’objet d’une surveillance régulière.